ainsi que quelques autres articles de presse, dont je n’ai plus les coupures originales
Article de Dominique Bosshard, paru dans l’Express (cotidien Neuchâtelois), eviron 1997 (?)
Passion musique
Peeni Waali n’est pas un groupe, mais plutôt un melting-pot musical
A l’image du premier, le deuxième album de Peeni Waali n’obéit pas aux conventions. De nombreux musiciens y ont apporté leur contribution, un seul homme, Fizzè, lui a conféré son unité. Résultat: un collage musical aux sonorités reggae.
“The Return of Peeni Waali” est un puzzle bien singulier, patiemment construit par Fizzè. Un puzzle dont les morceaux trempent dans le reggae, une musique que Fizzè jugeait pourtant ennuyeuse: lui a grandi bercé par le blues de son (premier) mentor musical Eddie Boyd, un chanteur du Mississippi. C’est au cours d’un voyage en Jamaïque, en 1987, qu’il découvre que “le réggae est le petit frère du blues“; à cette époque, Fizzè produit un groupe neuchâtelois de reggae, qui veut lui imposer un ingénieur du son. Piqué au vif, Fizzè se rend dans la patrie de Bob Marley: tant qu’à faire, autant rencontrer les “vrais”. Un producteur lui présente plusieurs musiciens et, connaissant l’adresse de sa maman, il retrouve le grand tromboniste Rico Rodriguez. En 1988, celui-ci vient en Suisse pour collaborer à quelques morceaux; en 88 aussi, Fizzè retourne en Jamaïque avec quelques espquisses (des riddims) et ramène des overdubs enregistrés à Kingston.
Ainsi est né le concept “Peeni Waali” – luciole, en jamaïcain -, qui donna lieu à un premier disque en 1991. Un concept fondé sur l’échange et l’amitié plus que sur la “location de musicient”, et qui, par un “effet boule de neige“, a conduit d’autres pointures du blues ou du reggae jusqu’à Fizzè, telles que le bassiste Linton Kwesi Johnson, les légendres Taj Mahal et Lee “Scratch” Perry, le Salvador Dali du Reggae, “mi-fou du roi, mi-chaman“.
Mariage délicat
La richesse de ces échanges et l’abondance du matériel collecté petit à petit ont abouti cette année au “Retour de Peeni Waali”, un deuxième CD qui gravite autour de plusieurs constellations. Celle de Linton Kwesi Johnson et son Dennis Bovell Dub Band, celle de L’Ensemble Rayé, autrement dit les Neuchâtelois Dizzi (Gilles Rieder), Cédric Vuille, Jean-Vincent Huguenin et Shirley Hofmann, issus de feu les avant-gardistes Débile Menthol, et celle de L’Art de Passage, un trio berlinois formé de Tobias Morgenstern, Rainer Rohloff et Stefan Kling. Quelques étoiles isolées brillent à leur côtés, Taj Mahal, Perry et le fidèle Rico, Barbara Dennerlein à l’orgue Hammond et Hossam Shaker du groupe cairote Sharkiat et bien d’autres comme le batteur Daniel Spahni ont eux aussi apporté leur pierre à l’édifice.
Auteur de la majorité des compositions qui forment ce deuxième opus, Fizzè a également dû effectuer un immense travail de mixage qui, à lui seul, a requis quatre mois: “Fusionner tous ces univers, c’est aussi délicat que de mélanger le feu et l’eau”. Il est pourtant prêt à récidiver, puisqu’il a engrangé de quoi fabriquer encore un double album, toujours teinté de reggae. “Le reggae est un véhicule rythmique formidable, sur lequel on peut greffer n’importe quel lyrisme. Je ne suis pas rasta, mon but n’est pas de vendre du coca cola aux Américains!”
De Neuchâtel à Mensch
Fizzè a grandi à Bâle. A 17 ans, il quitte la maison et s’installe à Neuchâtel, où il a fini le conservatoire et ses études à l’Ecole supérieure de commerce. Pourquoi Neuchâtel? “A huit ans, se souvient-il, lors d’une marche entre Bâle et Genève, je me suis arrêté à Chasseral; désignant Neuchâtel à mon père, je lui arais dit: un jour j’irai là!” C’est au chef-lieu aussi qu’il terminera aussi ses études de flûte traversière au Conservatoire chez André Pépin; préférant suivre les traces de la composition, l’arrangement et – surtout – l’orchestration plutôt que celles de l’interprétation, il ne sortira plus son instrument de sa housse pendant 20 ans. “Je n’ai repris la flûte que récemment, mais comme le vélo, ça ne s’oublie pas vraiment!”
Après ses études, Fizzè travaille dans un magasin de disques, en tient un pour son compte au sein du tout premier ‘Jazzland’, et s’enthousiasme pour le jazz d’avant-garde. En 1988, il quitte Neuchâtel pour l’Est de la Suisse, se pose près de la frontière liechsteinoise où il est appelé à travailler. C’est là qu’il crée ensuite Mensch Music, son label de production et de distribution. “Ma raison sociale de vivre“, dit-il. Parce qu’il s’intéresse aux êtres humains quelle que soit leur couleur, parce qu’il se sent davantage un “tireur de ficelles” (un producteur) Fizzè conçoit Mensch comme une “plateforme d’échanges“. Les musiciens y laissent un peu de leur art, sautent par dessus leur ombre dans les meilleurs cas et font rayonner le luciole qui, en Jamaïque, symbolise l’espoir, la lumière et la confiance…
article de Elisabeth Stoudman paru 1991 dans le No. 1 de “Vibrations”
le scarabée
Il y a dix ans Fizzè jouait dans le groupe new wave genevois Code et ne pensait certainement pas qu’il allait devenir la plaque tournante du reggae en Suisse. Ce n’est qu’en 1987, lorque’il se porte volontaire pour enregistrer dans son studio un groupe de reggae local et que ceux-ci émettent des doutes quant à ses capacités en la matière, que, piqué au vif, il part en Jamaïque. Là il rencontre entre autres Jack Ruby, le producteur de Steel Pulse et surtout celui qui est devenu son frère ragga, le tromboniste Rico Rodriguez. Il enregistre des morceaux sur bande et s’imprègne si bien de l’état d’esprit ambiant qu’il songe à réaliser un album collectif instrumental sur la base d’échanges musicaux. L’image du scarabée s’impose à lui lorsque un soir il croit avoir une vision: un arbre brille de tous ces feux devant lui. L’hallucination est en fait due à une assemblée fortuite de scarabée-lucioles dans ce gîte de fortune. Les Jamaïcains ont donné le nom de “Peeni Waali” à ce phénomène. “The Dawn of Peeni Waali” est ainsi devenu le titre de l’album expérimental sorti cette année sur Mensch, le label de Fizzè. Persuadé de l’importance de travailler dans de bonnes conditions et sur la base de rapports amicaux, Fizzè a réussi à drainer plus d’une personnalité difficile dans son sillage. Citons entre autres Lee “Scratch” Perry, Dean Frazer et surtout Linton Kwesi Johnson. Ce dernier s’est senti tellement à l’aise chez Fizzè qu’il y a composé les prémisses de son dernier album, “Tings An Times”.
Aujourd’hui les deux disques sont parus sur le label Mensch mais le mécène se tâte d’émigrer en France. L’exil promettant une solution plus envisageable pour la survie de son label… Un nouveau projet est déjà envisagé dans un registre très différent puisqu’il devrait réunir des politiciens et des musiciens autour d’un hommage au visionnaire allemand de la fin du siècle passé, Sylvio Gesell.